Remerciements et circonstances de l’accident
5 avril 2020
Bonjour à tous
Déjà un petit mot pour remercier toutes les personnes qui nous ont écrit à Babeth, mes frères, ma mère ou moi pour nous faire part de l’attachement qu’ils portaient à Jean-Michel, que ce soit pour sa carrière alpine ou pour l’avoir connu dans le monde associatif ou professionnel.
Ça nous touche et beaucoup de remarques ont sonné juste et évoqué des bons souvenirs chez moi.
J’ai eu des questions sur les circonstances du décès, je vous dis ce qu’on sait. C’est bien naturel de savoir ce qui s’est passé.
Je vous donne des précisions grâce à la personne qui est allée voir sur place (merci à elle).
JMC est parti comme tous les 2 jours (!) en direction de Cognet. Il était en train d’équiper une nouvelle voie au Trident. Pour se faire, il est descendu à pied, et a commencé à remonter les cordes fixes qui sont 10 m à gauche du fil du fil de l’arête. Il avait comme à son habitude une vache qu’il clippait sur un jumart. Il essayait les mouvements de sa longueur nettoyée peu de temps auparavant. Au bout de 40m, soit 20m de haut, on est au Trident…, il a du grimper au niveau ou au dessus de son jumart quand pour une raison inconnue (prise cassée, chute de pierre, zipette…) il est tombé. Le facteur de chute était important car tout était statique ou presque, que ce soit la corde fixe ou sa longe d’environ 1m, constituée de sangles et d’anneaux de corde. C’est un anneau de corde qui reliait son jumart au baudrier qui a cédé et n’a pas retenu cette chute.
Est-ce que son bassin aurait lui tenu avec une attache plus solide ? On ne le saura jamais…
Il est tombé sur la tête dans le pierrier en contrebas. Le casque a explosé et il est mort sur le coup. Les secours l’ont retrouvé le soir très rapidement après le début des recherches pédestres.
Il aurait sans doute écrit :
« Mon anneau de corde était pourtant semblable au reste du matériel ou au grimpeur, dans un état presque neuf !!!
Sombre crétin incrédule ! Tout le monde me l’avait bien dit, que mon matos était pourri !
Quel con mais quel con !!! Je savais bien que c’était pas sécu ce système.
Quel vieux bouc têtu je fais !!! A force de ne jamais tomber, quelle naïveté d’oublier cette éventualité !!! »
L’humanité est ainsi faite de s’habituer aux situations et de les considérer normales. D’où une baisse de vigilance et une altération du danger. Il ne pensait pas à une chute brutale sur sa vache, habitué qu’il était à ne jamais tomber, ou à se rattraper à la corde comme il le faisait très souvent, en contrôlant le retour sur stat.
Aussi bien, il était quasiment en solo depuis de nombreux mois, vu l’état de son anneau de corde…
Ceux qui le connaissaient savaient qu’il aurait jusqu’au bout continué à faire ses « travaux » en paroi. Il connaissait les règles du jeu et les probabilités. Il savait les risques qu’il prenait (très faibles) mais il savait aussi qu’une erreur était possible et qu’elle était de plus en plus probable en augmentant le temps d’exposition.
Il est parti dans la montagne qu’il aimait tant , en faisant ce qu’il aimait, par une belle journée de fin d’hiver.
Je suis passé par un état de sidération, car je m’étais aussi habitué à ce qu’il revienne toujours, à le croire indestructible. Maintenant reste la tristesse, en constatant le vide qu’il laisse pour moi.
Une soirée « souvenir » sera organisée dès que possible sur Grenoble, et ses cendres seront dispersées en Vallouise sans doute cet été.
On vous tiendra au courant par cette page de l’ECI.
A bientôt
Sylvain Cambon